Le Déni

21, Mai 2022 | En lien avec l'actualité

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En ce mois de mai 2022, nous approchons les 40 jours au-dessus des normales de saison, record en France. Chaque année des records de chaleur, de sécheresse mais aussi d’intensité de pluies sont battus à travers le monde. Ca ne date pas d’hier. Un reportage radio de la fin des 9Os mentionnait que 7 des 10 années les plus chaudes depuis le début des mesures concernait la décennie achevée. Ajoutons à cela le sommet de la Terre de Rio en 1993 : cela fait donc 30 ans que nous sommes collectivement au courant de ces perturbations inlassablement annoncées comme croissantes à l’avenir.

Pendant ces 30 ans, personne hormis des avant-gardistes, n’a fait ce qu’il avait à faire à ce sujet et en tous cas avec suffisamment d’ampleur, dans son rôle (politique, citoyen, dirigeant…)

Face à un événement qui nous questionne profondément, le plus simple et confortable est le déni. Se mettre en mouvement, c’est d’abord accepter le présent pour mieux agir maintenant afin de faire bouger la trajectoire demain.

« Quel est le signe qui vient d’alerter mon instinct avant de frapper ma conscience ? ». Antoine de Saint Exupéry décrit avec talent le mécanisme qui rend conscient une perception.

Mais cette question, nous ne nous la posons pas toujours pour différentes raisons.

Face à un signal, il y a ce que nous sentons, ce que nous ressentons, ce que nous comprenons. Nos cinq sens nous mettent en lien tangible avec notre environnement : ces capteurs sensoriels perçoivent continument nombre d’informations. Ces informations une fois captées peuvent provoquer chez nous des pensées et/ou des émotions. Une fois senties (captées par nos sens), ces informations sont re-senties (émotions). Le déni est une rupture dans l’émergence à la conscience des informations senties ou re-senties.

C’est un peu comme ces merveilleux systèmes de télescopes captant les bruits de l’univers. Dans cette masse d’informations, l’astronome va chercher, écouter, cibler, bref orienter son attention. C’est un choix. Ce ciblage est une sorte de fermeture,  car l’observation est alors étroite, précise, concentrée sur l’objet ou la zone de la recherche. On peut comparer cette démarche au mécanisme qui relie les sensations et les pensées, quand il est activé.

Par ailleurs, il est de grandes découvertes réalisées de façon fortuite, « par hasard » semble-t-il. Elles sont souvent associées à une démarche plus ouverte : l’astronome peut consacrer du temps à partir à l’aventure sans savoir ce qu’il recherche ; il peut aussi rester ouvert à la surprise, sur le chemin de sa recherche, tel Flemming découvrant la pénicilline. Celui qui découvre doit accepter de s’égarer, en tous cas de prendre des chemins inconnus. Voici pourquoi, nombre de « signaux faibles », en bordure du chemin que nous suivons sont souvent ignorés, parce que potentiellement inquiétants. Certains le sont inconsciemment, d’autres le sont plus consciemment : soit je ne perçois pas ma peur, soit je l’ignore, dans tous les cas parce que  la réalité est trop difficile à accepter. On le voit, le mécanisme qui relie les émotions et les pensées peut être chaotique.

En tant que dirigeant ou manager, qu’est-ce qui me met mal à l’aise, que je n’ai pas envie de voir ? Comment je considère mes peurs aussi comme des jalons vers des chemins de découvertes potentielles ? (cf article sur la peur)

Comment je suis en veille sur les signaux faibles en moi (émotions, intuitions) et dans mon environnement ? Comment je me ménage des temps d’écoute, d’ouverture à ce qui se passe, ce qui se dit pour mieux anticiper, voire découvrir ?

Pourtant, 30 ans après, nous sommes collectivement bien plus conscients du dérèglement climatique et pourtant trop peu actifs. La concrétisation de cette prise de conscience est le chemin inverse de la prise de conscience : de la tête au corps. Il s’agit de décider d’agir (tête), de concrétiser cela en actions (corps) en dépassant les freins issus des émotions (cœur) générées par cette transformation effective.


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